Mai 68 au Japon

Vous connaissez peut-être Hakari Murakami, auteur de “1Q84” et “Kakfa sur le rivage”. Murakami est un nom de famille porté par environ 340 000 personnes au monde et quasiment la majorité au Japon, 320 000 (2014).

Et parmi ceux-ci, un certain Ryû a choisi aussi de s’exprimer à travers la littérature. Un peu plus jeune que le précédent, celui-ci était lycéen à la fin des années 60. Il est originaire de Sasebo, une ville portuaire de la préfecture Nagasaki. Comme beaucoup de Japonais.e.s, il est marqué par la culture occidentale et par la culture américaine.

En effet, les relations de la  France et des États-Unis avec le Japon s’intensifient à partir de la seconde moitié du XIXè siècle. Les deux pays ont entretenu des échanges commerciaux, militaires et artistiques avec les Japonais.e.s.L’année 1968 et le mois de mai de cette année-là n’ont pas échappé aux jeunes japonais.e.s.

Chez un peuple marqué par la défaite lors de la seconde guerre mondiale et dont les répercussions des bombes atomiques sont inscrites dans les chairs et dans le sol comme dans les esprits, les jeunes ne peuvent que tendre une oreille attentive au mouvement hippie, au rock et aux pavés lancés sur les uniformes des représentants de l’ordre.

C’est le cas de Ken, personnage principal de 1969 de Ryû Murakami dont l’histoire  ressemble étrangement à celle de l’auteur.

Ken, comme l’auteur, vit à Sasebo, une petite ville marqué par une histoire militaire. Émile Bertin, ingénieur français ayant travaillé pour l’empereur Meji, a choisi cette ville pour faire un arsenal de réparation et de ravitaillement pour la marine impériale japonaise au XIXé siècle et les américains y ont installé une base en 1946.

C’est sa dernière année d’étude secondaire et il ne supporte plus l’autoritarisme rigide des enseignants, supporte assez mal la présence militaire américaine, même si cela lui permet  d’avoir accès à la musique américaine (jazz et rock) et rêve de devenir un artiste.

Les lecteur.rice.s l’accompagnent pendant toute cette année et partagent ses espoirs, ses révoltes, ses relations plus ou moins amicales, amoureuses et le montage d’un projet artistique un peu fou. Le prisme avec lequel Ken appréhende ce qui l’entoure est un mélange d’ironie et d’enthousiasme juvénil.

Le livre est construit en chapitres chronologiques dont les titres sont très évocateurs comme Arthur Rimbaud, Daniel Cohn-Bendit, l’imagination au pouvoir, Wes Montgomery ou Led Zeppelin.

Pour donner une idée du ton, voici quelques réflexions de Ken dans cet extrait :

« A l’école primaire, quand je restais à la maison trois jours à cause d’une grippe, mes amis et la maîtresse commençaient à me manquer. Si après cent dix-neuf jours d’exclusion, je n’éprouvais aucune joie à retrouver cette classe, c’était que le lycée nous traitait comme du bétail. Comme les chiens, les cochons et les veaux. Enfants, nous étions autorisés à nous amuser librement (je ne parle pas bien sûr des cochons de lait rôtis tout entiers dans les restaurant de cuisine pékinoise), puis au moment de l’adolescence, le dressage et la sélection commençaient. Être lycéen était la première étape de DOMESTICATION de l’homme. »

1969 peut être qualifié de roman d’initiation, qui donne une idée du rayonnement international du mai 68 français. Une lecture chaleureusement recommandée !

– Véronique Glorieux

Share