Le mai 68 de Monique Jullien

Comment les personnels de l’université regardent-ils la période de Mai  68 ? Comment certains l’ont-ils vécue alors qu’ils étaient enfants, adolescents ou jeunes adultes ? Nous vous invitons à découvrir une série de témoignages provenant de bibliothécaires et de d’enseignants de Paris Diderot. Autant de points de vue sur ces événements …

Nous débutons cette chronique avec le témoignage de Monique Jullien, chargée de la gestion des périodiques et de la formation des étudiants de licence 1 & 2 en podologie et médecine, à la bibliothèque médicale Bichat depuis 2002.

« Bonjour Monique, vous partagez avec nous aujourd’hui vos souvenirs de cette période qu’on appelle aujourd’hui « Mai 68 », comment avez-vous vécus ces événements à l’époque ?

  • “En mai 1968 j’avais onze ans, j’habitais alors dans une petite ville entre Nîmes et Montpellier avec mes parents. Cela ne faisait que quelques années que nous étions en France, depuis 1961 exactement, mon père étant pied-noir et ma mère allemande et je me rappelle que mon père était assez critique à l’égard du mouvement.

C’est-à-dire ? Qu’est-ce que vous entendiez par rapport à celui-ci ? Que cela soit de la part de votre famille ou de façon plus générale de la part de votre entourage, des médias… ?

  • Nous n’étions pas au cœur des événements, mais je me souviens de ce qu’on entendait à la radio, même si la plupart des médias s’étaient mis en grève aussi. On entendait pas mal parler des manifestations sur Paris et comme quoi elles étaient particulièrement « musclées ». En ce qui me concerne, je redoublais alors mon CM2 et je me souviens que j’avais ma maîtresse qui était très engagée dans le mouvement, c’était une militante, syndiquée et qui donc s’était mise en grève. En revanche mon père voyait ça d’un très mauvais œil, pour lui il n’était pas question d’arrêter de travailler.

De là où vous étiez, Mai 68 a eu des conséquences directes sur votre façon de vivre, et ce malgré vos onze ans ?

  • Je n’en ai pas beaucoup de souvenirs, si ce n’est du fait qu’il y avait d’importantes pénuries de nourriture. On était rationné dans les commerces car ceux-ci n’étaient plus approvisionnés en marchandises compte tenu des grèves. Aussi, pour ma communion solennelle, c’est toute ma famille d’Allemagne qui était venue non seulement pour la célébrer mais aussi pour nous ravitailler.

Et après ? A l’école, dans votre carrière… ?

  • L’année qui a suivi, je suis rentrée en 6ème et nous étions supposés avoir des cours d’instruction civique. Or, à la suite du mouvement ils ont été annulés, je me rappelle en avoir été choquée, c’était quelque chose qui m’intéressait beaucoup à l’époque et le fait que ce soit allé jusqu’à ce qu’on nous supprime des cours… A l’époque je l’ai pris « comme une claque. » Cette injustice, mêlée à tout ce que j’entendais autours de moi, probablement aussi le fait que j’étais en opposition avec les idées de mon père, je dirais que ça a développé chez moi un certain gauchisme, je me suis forgée une personnalité un peu « réac’ », impliquée dans la cause féministe. En revanche, mai 68 n’a eu aucun impact direct sur ma carrière ou sur mon métier de bibliothécaire, il a fallu se battre c’est sûr pour y arriver mais ce qui a bousculé beaucoup de choses pour moi ce sont surtout les événements de 1973*…

Le mot de la fin ?

  • Ce qui est sûr c’est que c’était très « chaud » comme on dit aujourd’hui, on peut dire sans mentir que la démocratie en a pris un sacré coup.

*En 1973 et 1979 ont lieu deux grands chocs pétroliers qui sonnent définitivement la fin des Trente Glorieuses, la récession et le chômage connaissent leurs premiers grands essors.

Entretien réalisé par Chloé Benezra, étudiante en histoire, stagiaire au Service commun de la documentation.

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