Un peu de ciel et de poésie #14

INGEBORG BACHMANN. Malina

Découvrez la vidéo ici :

Extrait de Malina, de Ingeborg Bachmann, Ed. Seuil, 2008 
Lecture : Clélie Millner
Réalisation : Karine Hulin
Production : Service Commun de la Documentation, Université de Paris, avril 2020

 Extrait de Malina, p.6

[…] il m’est presque impossible de dire « aujourd’hui » comme on le fait tous les jours, […] ; moi, quand les gens me font part de leurs projets pour le jour même, […] je ne prends pas, comme on le croit souvent, un regard absent : l’embarras me donne un regard très attentif, tant mes rapports avec cet « aujourd’hui » sont désespérés ; ce jour, je ne peux que le traverser en toute hâte, […] ce qu’on écrit le jour même, on devrait le détruire aussitôt, comme on déchire ou froisse les lettres réelles en les laissant inachevées, non expédiées, parce que, étant aujourd’hui, il n’y a plus d’aujourd’hui où elles puissent arriver.

 

« On ne sort pas indemne d’une rencontre avec le texte appelé Ingeborg Bachmann » (Hélène Cixous, Au temps d’Anna, in la revue Europe, n° 893, p. 79)

Ingeborg Bachmann est née en Autriche, en 1926. Plus précisément à Klagenfurt, en Carinthie, dans la ville de Robert Musil et à la frontière avec la Slovénie. Elle appartient à une génération d’écrivains germanophones dont la jeunesse, puis la vie, a été saccagée par le nazisme et la Seconde Guerre mondiale. Sa famille n’était pourtant pas hostile au régime nazi, et c’est précisément l’adhésion de son père au parti que I. Bachmann vécut comme un poids tout au long de sa vie, métaphorisant la relation conflictuelle au passé paternel dans ses œuvres.

Elle part étudier à Vienne et y rencontre Paul Celan, poète rescapé des camps, qui sera son grand ami et l’un de ses grands amours. L’expérience et la poésie de Celan vont profondément influencer I. Bachmann qui de l’étude de Heidegger passe à celle de Wittgenstein, s’intéressant à ce qui ne peut qu’être tu et au renouveau nécessaire du langage après le traumatisme d’Auschwitz.

Elle rentre en 1952 au groupe 47 qui lui décerne l’année suivante son prix pour son premier recueil poétique, Le Temps en sursis. Cette même année 1953, elle déménage pour l’Italie : d’abord à Ischia, île au large de Naples, puis à Rome.

Elle écrit recueils de poèmes (comme Incantation à la grande Ourse, 1956), de nouvelles (La Trentième année, 1961), beaucoup de récits en fragments et commence un cycle de trois romans (Todesarten que l’on pourrait traduire par Les Façons de mourir), dont le premier s’intitule Malina (1971). Elle meurt en 1973 des suites de ses blessures causées par une cigarette mal éteinte, elle dont l’oeuvre est hantée par le feu et l’image de la main brûlée.

Pour aller plus loin, voici un article biographique sur Ingeborg Bachmann sur Cairn.

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Un grand merci à Clélie Millner pour cette lecture et cet article. Clélie Millner est maitresse de conférence en littérature comparée à l’Institut Catholique de Paris et chargée de cours à l’Université de Paris.

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